Un adieu
La cérémonie d’adieux eut lieu à Brest. Pluie fine, ciel de circonstance, silence pesant. Dans la grande salle du crématorium, dont le décor baroque tentait misérablement d’apporter une touche de sacré à ce temple profane, nous n’étions que quatre. Mary, mon père, le maître de cérémonie et moi. Nous, et un cercueil en sapin clair. Sur le bois de résineux, j'avais posé la photo du voilier. À Dieu Vat, n’avait jamais aussi bien porté son nom.
Le cérémonieux fit un service a minima. Comment aurait-il pu en être autrement ? Du mort, il ne savait rien et nous n’avions pas grand-chose à lui raconter.
En guise d’oraison funèbre, un vœu pieu, une supplique, une prière : Va à Dieu, mon Marcel. Toutes voiles dehors. Que les vents te soient favorables.
Je n’ai rien dit de plus . Les mots ne servaient pas à grand-chose. Marcel était un taiseux, ce silence lui allait bien.
Mon père, droit comme un chêne déjà creux à l’intérieur, n’a rien dit non plus.
Mary a pleuré, discrètement, alors qu’elle ne connaissait de lui que ce que j’avais bien voulu lui raconter. Moi, je ne savais plus très bien ce que je venais saluer. Je repensais à nos sorties en mer, à ses cartes marines annotées au crayon gras, à sa façon de dire “cap au nord” comme s’il parlait d’un choix de vie.
Il était parti sans drame. Sans faire de bruit.
Un simple retrait, à la Princhard : net, sec, irrévocable.
Le four s’est refermé. J’ai repensé à ses clopes jaunes maïs et leur tête cramée dont la cendre semblait ne jamais vouloir s’envoler . Il rejoignait enfin leur fumée. Libre.
Et je me suis dit que c’était peut-être comme ça qu’il convenait de mourir.
A suivre ...
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