La nouvelle
La nouvelle tomba, froide et subite, dans le train-train quotidien de ma belle nouvelle vie tranquille.
Un appel de mon père. Notre relation n’était qu’un désert silencieux, depuis sa lettre espagnole. Cela faisait de très longs mois qu'il n'y avait pas eu de contact, ce qui rendait cet appel d'autant plus étrange. Sa voix était d’une gravité inhabituelle. J’étais dans l'expectative, attentif ; sur mes gardes.
— Paquito, j’ai une mauvaise nouvelle à vous annoncer. C'est Princhard. Il est à l'hôpital. Le cancer.
Mon corps se raidit. Mon Marcel, à l’hôpital. Le cancer. L'homme m'avait tout appris. Malgré notre dernière rencontre, il restait une figure très importante.
— Il veut vous parler. Demande à vous voir.
Les questions se bousculaient : Pourquoi me recontacter ? Qu'avait-il à me dire, le vieil ours des mers ? Mon père, visiblement mal à l'aise, balbutiait.
— Il ne va pas s’en sortir… Il va bientôt mourir. Paquito, il veut vous léguer le voilier.
Le voilier ! Le À Dieu Vat. Mon voilier !
Je l'avais tant aimé. C'était le complice de ma fuite et de mes espoirs. Il était le symbole du départ, des chaînes que j'avais brisées. Une part de moi-même, compagnon d'une route qui s’était terminée au bout d’un quai . À aucun moment, il ne m’avait fait faux bond. Grâce à lui, j'avais eu la vie sauve. Le deuil de ce bateau, et de cette partie de l’histoire, était fait ; tout du moins, le pensais-je. Et voilà qu'il revenait, comme un navire fantôme sortant des limbes d’un passé pas si éloigné.
Princhard, le vieux renard, l’anar des pontons, voulait me le léguer ? Pourquoi moi, le presque fils qui l’a trahi et que lui a si rudement traité ? Était-ce une façon de pardonner ? Ou de me lier encore une fois à son monde et ses doctrines de liberté sauvage ?
Mon père, percevant mon mutisme, ajouta d'une voix plus douce :
— Il a dit que vous étiez le seul à pouvoir le comprendre.
La solitude de Princhard était aussi immense et calme que la mer des sargasses. Cet homme qui n'avait jamais voulu s'attacher à qui que ce soit me tendait la main alors qu'il était sur le point de mourir. J'ai été parcouru par une émotion étrange. Ce n'était pas de la joie, ni de la peine, mais une sorte de gratitude mêlée d'amertume et un sentiment de responsabilité immense. Le voilier et son architecte n'étaient plus un simple souvenir. Je devais aller voir Marcel,
A suivre ...
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