Retrouvailles
Après que mon père m'eut remis les clefs et les papiers du voilier, nous prîmes la route sans attendre, pressé que j'étais de le retrouver. Nous nous sommes rendus sur le ponton du port où il était amarré. À sa vue, mon cœur se serra. Mary posa sa main sur mon bras. Elle savait ce que représentait ce moment.
Chaque pas me rapprochant de lui ravivait un souvenir : les heures de travail avec Marcel, les mains sales, la fatigue, le mal de mer, la fuite. C'était plus qu'un bateau, c'était le complice de la course après un rêve qui m'avait coûté si cher. Étrangement, je ne regrettais rien d'autre que l'absence de mon ami. Mary, silencieuse, sentit l'émotion m'envahir.
Elle comprit ce que symbolisait la coque blanche : un nouveau départ, une nouvelle liberté. N’ayant pas connu le voilier du temps où Marcel et moi passions des heures à le bichonner ; pour elle, il était juste une promesse.
Une fois à bord, Mary me suivit. Elle posa sa main sur ma joue, une main douce et rassurante. "Il est beau", murmura-t-elle, "il t'attendait." Un sourire se dessina sur ses lèvres. Étrange impression que de rentrer dans un lieu dont on a été chassé. Le roof fut caressé comme un vieux compagnon. Après avoir posé les mains sur la barre, le regard s'arrêta sur "Moitessier". Le régulateur d'allure fut immédiatement rebaptisé "Marcel". Bernard ne s'en offensa pas.
La nuit tombée, on resta là, assis sur le pont. Je lui fis le récit de la construction et des coups de gueule de Marcel. Sa main se glissa dans la mienne. Pour la première fois depuis longtemps, la solitude face aux choix, aux doutes et aux rêves n'existait plus. Il y avait "À Dieu Vat", la mer, et elle. Nous passâmes notre première nuit à bord, fîmes l'amour. Une pensée s'échappa, un murmure, un sourire , invitant gentiment Marcel à aller regarder ailleurs !
A suivre ...
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