A Dieu Vat (27)

A Dieu Vat (27)

Des cendres à la mer 

Quelque temps plus tard, l'urne de cendres fut récupérée. Un objet sans charme, sans signe distinctif. Avec un peu d’imagination, sa forme aurait pu être celle d'une coque de voilier.
En guise de dernier véhicule, une boîte métallique grise, contenant ce qu’il restait de Princhard; tu parles d’un corbillard . Lui aurait mérité une fin à la viking. En lieu et place d’un four sans âme , tâcheron de la crémation de cadavres ; un fier vaisseau de bois, un mat et une grande voile carrée.
 De vieux loups de mer l'auraient embrasé avant d’aller trinquer en racontant sa légende. Une légende qui se serait étoffée à chaque pinte de bière rousse, dont la mousse blanchirait les moustaches et déclencherait les fous rires. Mais de lui ne restait que quelques poignées de poussière, un peu de mystère et beaucoup, beaucoup trop de silence.

Sans rien dire à personne, ni à Mary, ni à mon père, ni à la mer, je suis monté à bord d’À Dieu Vat, pour une dernière navigation en tête-à-urne avec Marcel. C’était une affaire entre lui et moi.

 Je le posais en vigie sur le roof, comme un capitaine au centre de sa passerelle. Le vent était calme, la mer aussi. Juste un moment suspendu, sans drame. À quelques milles au large. Là où les lignes téléphoniques ne vont pas, où l’horizon reprend ses droits. Pas de discours, Marcel n’aurait pas supporté. Alors, j'ai ouvert la boîte de sardines. Le métal était froid, ce qu’il contenait, l’était tout autant. Le nuage gris s’est élevé dans la brise, calme, puis est retombé lentement, comme s’il avait reconnu le lieu de sa dernière résidence. Les poussières se sont mêlées à l’eau, comme une évidence.

J’ai murmuré simplement : « Te voilà libre, papa. »

Il croyait en la mer, ses colères franches, son absence de rancune, de jugement et sa façon de faire comme si rien ne s'était passé, avant. Un peu de sel, un peu de vent. Et la certitude que l’océan l’avalerait définitivement, comme un secret bien gardé.


À suivre...

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