A Dieu Vat (28)

A Dieu Vat (28)

Retour à La Rochelle

Il fallait ramener le voilier à La Rochelle. Cette fois, hors de question de le faire en solitaire. Je choisis un équipage de qualité. Mary, l’ami Pierrot, Marcel le pilote et  moi. Sans oublier un peu de Margnat-village, remède désormais indispensable contre le mal de mer. 

Ce voyage ne fut pas une banale navigation. Cette  traversée était comme le lien qui allait boucler cette histoire. D’une vie à l'autre. "À Dieu Vat", n'était plus le navire du fugitif, mais son foyer flottant et  le vaisseau d'un nouveau départ. Mary était là. Pierrot, qui connaissait les courants, les humeurs du ciel et de la mer, veillait sur nous tel un ange gardien qui avait de la bouteille. 

Départ de Brest . À peine la rade passée ,  le vent s'est levé, gonflant les voiles et chassant les nuages. Le soleil, d’abord voilé, fini par s'imposer. La mer d'Iroise, habituellement houleuse, nous a offert un tapis voguant .

Mary s'est vite amarinée. Le pied marin semble être  inclus dans la génétique irlandaise . Elle posait beaucoup de questions, curieuse de tout. Des réglages du voilier, de la course des étoiles, de ce qu'il fallait faire en cas de problème. Je lui expliquais le pourquoi de toutes ces choses  sous l'œil amusé de Pierrot. C'était une façon de nous relier davantage, de construire notre histoire sur ce même pont ou Marcel m’avait tout appris.

La nuit fut des plus étrange. Nous avons pris le premier quart. Pierrot ronflait dans sa bannette. Son sommeil d'enfant était rassurant . Le voilier traçait sa route, sous l’égide de Marcel. Assis dans le cockpit, nous étions collés l’un contre l’autre. Pas tant pour protéger nos  corps du froid et de l’humidité de l’air,  que pour garder nos cœurs au chaud. Comment ne pas repenser à mon premier départ. Il ne s’était pas écoulé tant de temps entre ces deux nuits et pourtant, un siècle semblait avoir passé dans ma tête et dans ma vie. Le bruit des vagues sur la coque, en contrepoint de celui du vent, était apaisant. A Dieu Va semblait épouser la mer, tout en douceur, comme s’il évitait de nous bousculer, protecteur, heureux de nous retrouver. Ce voilier avait une âme, et elle se révélait à nous. 

En descendant vers le sud, le vent s'adoucissait, le soleil réchauffait la peau, et les nuits s'éclaircissaient. Le mal de mer avait disparu, remplacé par un pied marin découvert enfin et, surtout, un équilibre intérieur. La solitude avait fait place à la présence de l’autre. En arrivant à La Rochelle, l'impression de boucler une boucle s'imposa.

Nous avons amarré le voilier au port des Minimes. Il devenait officiellement mon habitation. Pierrot rentra chez lui. Nous nous retrouvions tous les deux. Dans le carré, il était temps de préparer le diner. C’est le moment que choisit Mary pour me faire  une bien étrange demande. 

-Quitow ! emmène-moi-en Irlande.


À suivre...

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