Ayant renoncé à porter soutane, mon père, notaire de son état, m'imposa de suivre des études de droit. Espoir, illusoire, d’une relève pour que perdure la tradition transgénérationnelle. Après avoir tenté le rachat des fautes, place à la reprise des affaires. Las, pour lui, le talent et le goût pour la matière légale étaient en dehors de mes attributions. Les règles du sacré avaient gouverné ma vie sans que j'y consente. Libéré de ce joug, hors de question de mettre mon coup sous l’égide de législations, tout aussi lourdes, tout aussi rigides que les théologiques.

Maître Paquito Lopez… Simplement prononcer cette phrase à haute voix fait naître le doute quant au sérieux de ce nom sur une plaque notariale. Michel ou François, peut-être, mais lorsqu’on se prénomme comme une danse de Ferias rythmée par la musique des Bandas, la crédibilité de l’être en charge de la charge semble discutable.

Pour ne pas contrarier l’injonction paternelle et sous la menace motivante d’une coupure de vivre, je posais mon fessier sur les bancs de la faculté . Trois années, furent nécessaires pour que je valide la première. Aucune des tables de la loi ne vint jamais obstruer mon cerveau ; aucune page d’aucun code n’embruma ma vue, davantage que le strict nécessaire. Pendant que mes camarades d’amphithéâtre se préparaient avec acharnement à la carrière, moi, je rêvais d’un autre chemin.

C’est à cette époque, errant dans les rayons de la bibliothèque municipale, qu'eut lieu la découverte du bouddhisme, du taoïsme et tout un tas de concepts en « isme ». La prise de conscience que la grande majorité des humains qui peuplent la planète vivent dans l’ignorance d’une pomme et d’un serpent fut une révélation.

Pour eux, point de péché originel, de culpabilité héréditaire ; de faute en héritage du père. N’en déplaise à Saint-Augustin, je ne m'identifiais plus à la race pécheresse ; donc, a priori, coupable de rien. Bien sûr, il y a le karma, mais son principe n’a rien de répressif.

À un battement d’aile de goéland de mon banc d’étudiant, il y avait l’océan. Entre les cours, ou pendant les cours que je ne suivais pas, je me posais, songeant, assis sur un bollard, face à la grande rade.

Homme libre, Paquito, toujours, tu chériras la mer ! Charles avait sans doute pensé à mon spleen en écrivant ces lignes ! Je n’avais aucune idée de ce qu’impliquait cette phrase , de ce qu’était la vie sur l’eau, n’y ayant jamais mis les pieds. Cependant, cet espace mouvant, vide de murs, m’était fascinant. En lieu et place des tristes livres rouges des différents codes de la loi, je me coulais au creux des formidables récits d’aventuriers navigateurs. Gerbaud, Bombar, Monfreid devinrent mes professeurs, mes nouveaux prophètes. Moitessier était de loin mon préféré. Vingt fois, j'ai lu La longue route. Rêvant d’un bateau rouge, de l’école de la débrouille qui rend les choses possibles et d’un Joshua à moi. Lui serait mon sauveur. L’idée d’un voyage sans retour devint mon projet de vie, mon moteur à vent.

À suivre…

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